Article de PHILIPPE GUIHENEUF dans CULTURE etc.
« Clérambard » de Marcel Aymé par le Grenier de Babouchka (c)
Enchanté Isabelle. Ca me fait plaisir de vous parler et de vous parler de vous. Vous êtes une femme riche de tout ce que vous avez fait de votre vie, qui vous a amenée à être qui vous êtes aujourd’hui, une femme faite de spectacles, d’écriture et de beaucoup de péripéties.
Bonjour Philippe, enchantée et merci!
Pour juste faire une photo aujourd’hui, actuellement, que faites-vous ? Combien de projets en cours ?
Je suis super contente parce que l’année prochaine, 2019, je serai sur 4 grands projets dont des nouveautés. C’est beaucoup et c’est rare d’avoir de la visibilité comme ça sur quasiment une année entière. C’est chouette !
Parmi ces projets, la nouvelle pièce de Jean-Philippe Daguerre, “La famille Ortiz”…
Voilà. On créé à Avignon l’été prochain et on sait déjà qu’en principe on reprend à partir du mois d’octobre au Théâtre Rive Gauche à Paris.
J’étais à la lecture, c’est très beau, très bien écrit et la distribution est éclatante. A savourer à partir d’Avignon 2019, donc. Un très beau projet! Mais, comme vous dites, il y en a 3 autres !
Isabelle de Botton dans « La Violence des Potiches de Marie Nimier » (c)
On va partir du début de l’année prochaine. En janvier, je rejoue “La Parisienne d’Alexandrie” à Nantes, mon spectacle autobiographique sur l’Egypte. Je raconte ce qui s’est passé quand mon père a été arrêté à Alexandrie en 1956 au moment de la crise du Canal de Suez, j’avais 4 ans et demi. Comment une petite fille traverse ce genre d’épreuve : son papa disparaît, elle ne le voit plus pendant un long moment. La notion du temps quand on est petite et quand on est grand, ça n’est pas du tout la même chose ! A son retour, je ne l’ai pas reconnu, il avait tellement maigri, il était totalement faible… quelqu’un le soutenait. Pour un enfant, son papa, c’est quelqu’un de fort qui vous prend sur ses épaules. Et puis, comment on a quitté l’Egypte et les débuts en France. C’est toujours rigolo les chocs de cultures quand on débarque dans un pays étranger. Même si c’est un pays dont on parle déjà la langue : le français est ma langue maternelle. Ce spectacle-là, je vais le jouer au Théâtre Rue de Belleville à Nantes les 4 et 5 Janvier 2019 et je le rejouerai le 10 mars à Nice au Theatre Francis Gag.
Vous l’avez créé il y a un certain temps déjà ?
Il a été créé en 2009 sous le titre “Moïse, Dalida et moi” et puis je l’ai repris plusieurs fois. Le nouveau titre correspond mieux à ce que je raconte.
C’est un spectacle que vous avez joué près de 200 fois, notamment à Avignon et à la Comédie Bastille!
Presque. 182. Le challenge est d’arriver à 200 : à chaque fois que je le joue, ça déclenche une date ou deux par-ci par là. A suivre ! On verra. J’ai eu la chance d’aller jouer à Londres, à Genève… C’est un spectacle qui bouge, qui me promène pas mal.
L’avez-vous joué en Egypte ?
Non. Je pense que ça serait très compliqué d’aller parler de ça en Egypte aujourd’hui, malheureusement. C’est un spectacle qui raconte combien, à l’époque, les communautés s’entendaient bien. Les musulmans, les juifs d’Egypte dont je faisais partie, les coptes… Alexandrie était une ville extrêmement cosmopolite, on parlait vraiment toutes les langues, il y avait des boutiques arméniennes, grecques, des magasins français, le grand magasin s’appelait “au Salon Vert”, une école anglaise, je suis née dans un hôpital italien. C’était vraiment un pays très ouvert, très cosmopolite. Pour l’instant, les choses sont assez figées et c’est très compliqué d’y parler de ce passé-là. Mais, je ne désespère pas. Un jour peut-être.
Il avait été question que vous tourniez un film sur le sujet là-bas.
C’est vrai. J’avais répondu à un appel à projet organisé par la Commission du Film Ile de France et un société égyptienne, il y a des accords de production entre l’Egypte et la France. Le projet avait été choisi après quelques péripéties assez rigolotes et la semaine où je devais aller en parler devant des producteurs du monde arabe qui auraient été réunis pour l’occasion, c’est la semaine où Moubarak a été viré. Et l’Ambassade de France nous a demandé de ne pas nous déplacer quelques jours avant. Je ne suis donc pas retournée en Egypte, mais ça viendra un jour peut-être, je ne sais pas. Je pense que je n’avais pas envie d’y retourner en touriste. L’idée d’y aller ou pour jouer, ou parler d’un projet ça me plaisait beaucoup. Et je me dis que la Vie me donnera l’occasion d’y aller de cette façon-là plutôt qu’en touriste. Sinon, comme beaucoup d’égyptiens qui sont partis, on dit « que nous avons quitté l’Egypte, mais que l’elle ne nous a jamais quittés ». Je vis avec l’Egypte comme si c’était une partie de moi.
Isabelle de Botton. Collection privée (c)
C’est ce que vous dites de votre père aussi, quand il a fallu choisir sa nationalité, il explique qu’il est complètement égyptien.
Oui. Il avait vraiment choisi la nationalité égyptienne, comme une profession de foi. Avant, il n’y avait pas l’obligation d’avoir une carte d’identité. La nationalité, tout ça, c’est un principe assez récent dans beaucoup de pays. Quand Nasser est arrivé au pouvoir, il a dit, maintenant on est une grande nation et on va tous avoir une carte d’identité. Les gens se posaient la question, qu’est-ce que je suis, qui suis-je sur le plan nationalité ? Mon père s’est dit : “je suis né en Egypte, ma femme est née en Egypte, mes 3 enfants sont nés en Egypte… je suis égyptien”. En plus, il était plutôt d’accord avec les idées de Nasser, il râlait contre l’Angleterre, sur le plan politique, il était un bourgeois de l’époque, il trouvait que Nasser n’était pas si mal. Il a donc choisi volontairement la nationalité égyptienne. Il se sentait égyptien. On n’était pas des français venus en Egypte, l’Egypte n’était pas une colonie française. On était des sujets du Roi Farouk qui régnait à l’époque, sous une sorte de tutelle des Anglais. Après, quand les généraux ont viré le Roi, on est devenus officiellement égyptiens. Avant, on l’était juste de fait. Quand on est partis, on a dû rendre notre nationalité ce qui a beaucoup blessé mon père. Il était fier d’être égyptien.
C’est ce dont parle “La Parisienne d’Alexandrie” ?
Quelque part oui, c’est le sujet. Mais c’est raconté avec beaucoup d’humour. C’est une petite fille qui pose des questions avec la fraîcheur, la naïveté qui lui permettent de dire des choses qu’on ne pourrait peut-être pas dire autrement… Ce que je raconte surtout c’est le bonheur d’avoir deux cultures. C’est toujours difficile de quitter son pays natal. Mais j’ai été heureuse d’atterrir en France, d’avoir le droit à l’école française, l’éducation, l’université… Je me dis que ma vie aurait été différente si j’étais restée là bas. En tous cas, je voulais aussi dire que la France est un pays formidable. D’y être acceptée et d’avoir fait son trou ici, c’est un bonheur. Ca touche à beaucoup de thématiques d’aujourd’hui qui font débat chez les uns, chez les autres. C’est le témoignage joyeux d’une enfant qui est contente de s’intégrer là, même si elle ne comprend pas tout, parce qu’on ne comprend pas tout quand on arrive de l’étranger.
Donc vous jouez à Nantes et à Nice. Et peut-être ailleurs si on vous le demande !
Oui. J’ai failli aller à Hong-Kong au mois de mars, mais comme j’ai un autre projet, j’ai dû décliner.
En mars, vous ferez donc autre chose ?
« Clérambard » de Marcel Aymé par le Grenier de Babouchka (c)
Oui ! Mais restons dans l’ordre. A partir du 11 Janvier, on va rejouer “Clérambard” de Marcel Aymé, un spectacle mis en scène par Jean-Philippe Daguerre – qui m’a porté bonheur. C’est la fin de la tournée. On joue à Saverne le 11 Janvier, puis le 7 Février à Aoste en Italie et le 12 Février à Montélimar… C’est super, j’adore. On est 9 comédiens en scène. C’est aussi très sympa après avoir faire un seul en scène de retrouver toute ma bande. Avec Franck Desmedt qui joue Clérambard, avec Flore Vannier Moreau… Du beau monde.
“Clérembard” tourne depuis un certain temps lui aussi, non ?
Oui. On a joué à Avignon en 2017, après on a joué au Théâtre 13 entre Octobre et Noël l’année dernière. Depuis on tourne… et il nous reste 3 dates.
Quel effet ça vous fait de jouer du “répertoire” du coup ?
C’est un bonheur, parce que c’est une langue formidable, c’est rocambolesque et je me réjouis de retrouver mes camarades. Là aussi, le thème est très contemporain puisque Clérambard (créé en 1950) passe d’une méchanceté incroyable, tout d’un coup, il rencontre Saint-François d’Assise et il est illuminé. Et le voilà aussi extrémiste dans la gentillesse qu’il l’a été dans la méchanceté. C’est un texte très drôle et en même temps très actuel sur les extrémistes.
A voir, donc! “La Parisienne d’Alexandrie”, “Clérambard”…
Et après, à partir du 5 Février, je vais jouer “Ca reste entre nous” de Brigitte Massiot, une pure comédie, au Théâtre du Gymnase à 19h tous les jours du Mardi au Samedi et à 16h le dimanche. On est 4 en scène : Pierre Douglas, Michèle Garcia, Bruno Chapelle – un copain de l’époque de chez Bouvard-, et puis moi. C’est super d’avoir dans la même année à jouer une comédie et après de passer à “La Famille Ortiz” dans lequel il y a de l’humour mais où c’est plutôt très émouvant et où mon rôle est plus tragique.
Vous commencez par “La Parisienne d’Alexandrie” où il est question de vérité, cachée à un enfant, vous continuez avec “La Famille Ortiz” qui est aussi une histoire de vérité cachée…
Oui. Absolument. Ca n’est pas du tout le même registre, est-ce qu’on doit tout se dire dans une famille, est-ce qu’on peut, qu’est-ce que le courage, que la lâcheté… Quand on s’aime beaucoup, jusqu’où va t-on pour protéger l’amour ou la faiblesse des uns et des autres. “La Famille Ortiz” est une pièce qui pose beaucoup de questions. Il n’y a aucun personnage manichéen, les gentils, les méchants. Pas du tout. C’est assez trouble et troublant, je pense. On va voir. Je me réjouis d’avoir à répéter cette pièce, à l’apprendre et à la jouer.
Elle est très émouvante. Où en êtes vous? La lecture date d’il y a peu.
Les répétitions démarreront en Avril. On a une résidence à Rueil-Malmaison et après en Juin à Mont de Marsan. La 1ère 1ère sera à Mont de Marsan le 8 juin, à la fin de la résidence, quelques jours avant de commencer à Avignon, à Atelier Théâtre Actuel.
D’accord. Une année extraordinaire qui arrive vous avez fait un trajet absolument fantastique… Mais, au fond, qu’est-ce qui vous a amenée au Théâtre ?
J’étais au Lycée la Folie Saint-James qui était à l’époque un lycée de filles et pas mixte. Le cours de Théâtre était au Lycée de garçons, donc c’était très intéressant, je suis allée voir, et dans ce cours, il y avait Gérard Jugnot, Michel Blanc, Béatrice Agenin, Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel… C’était un cours comme il y en a dans presque tous les lycées de France à mon avis. A la fin de l’année, on montait un spectacle. J’avais été choisie pour jouer dans “Feu la Mère de Madame”. Je crois que j’avais 15 ans, c’était avec Jugnot, Michel Blanc et une fille qui n’a pas continué. Je me souviens, je rentre en scène, je dis une réplique et… waoowww les gens rigolent ! Ca hurle de rire ! La deuxième réplique, une vague de rire, de chaleur m’arrive! Et là, ça y est la bête était ferrée ! Le plaisir d’entendre rire les gens et de continuer comme ça, à dire son texte et que ça marche aussi bien entre le public et moi, j’ai adoré cette sensation. J’ai trouvé ça jouissif. Depuis ce jour-là, j’ai voulu encore et encore être sur scène. Je me sens sur scène comme chez moi. Je suis plutôt timide dans la vie, pas trop extravertie, enfin, je crois pas. Et sur scène, tout me libère. Je m’amuse. Je suis prête à tout, toutes les fantaisies m’arrivent alors que je suis plutôt assez sage dans ma vie de tous les jours. Maintenant, je n’en étais pas consciente à l’époque, quand on est immigré, on essaie de rentrer dans le rang, de ne pas faire de bruit, de ne pas déranger, on a envie de se faire accepter, donc on se plie aux règles. En tous cas, c’est ce que disait mon papa, il fallait être encore plus sages, plus gentils que tous les autres… Et sur scène, tout d’un coup, on a tous les droits. Dire des gros mots, être en colère, pleurer. On n’est pas obligé d’être une petite souris bien sage dans son coin. Quelque chose comme ça c’est passé et j’ai adoré. Et puis, il y avait toute cette bande incroyable. Après le bac, Jugnot est venu me chercher pour jouer un premier spectacle qui s’appelait : “Non, Georges, pas ici”. On l’a joué dans un café théâtre qui à l’époque s’appelait “Le Poteau”, rue de la banque dans le 2ème (avec un poteau au milieu de la scène). On était Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot et moi. Ca a duré un assez long moment. Mais, mes parents eux n’étaient pas du tout d’accord pour que je sois comédienne. Donc, j’ai fait une Licence d’anglais, une licence d’allemand et une fois que j’ai pu me débrouiller toute seule dans la vie, je me suis dit “je vais quand même essayer”. Parce que ce qui me faisait du bien, c’était de jouer, d’être au théâtre. A partir de là, j’ai pris des cours. Je suis allée chez Jean-Laurent Cochet, un grand grand professeur, qui a eu plein de grands comédiens. Très vite, il m’a demandé d’être son assistante. J’ai donc donné des cours, ce qui m’a appris peut-être plus de choses que si j’étais juste élève, parce qu’il fallait aider les autres, réfléchir à des scènes auxquelles je n’aurais pas eu à réfléchir, entre deux hommes par exemple, des scènes avec des rôles que je n’aurais jamais à jouer. C’était super intéressant. Petit à petit, les choses se sont construites sur le théâtre, au café-théâtre. Jean-Laurent Cochet a mis en scène Jeanne Moreau et Jacques Dufilho dans une pièce de Françoise Dorin, “L’intoxe”. J’ai eu la chance de jouer toute une année cette pièce avec Jeanne Moreau. Et après, elle a été reprise avec Danielle Darrieux à la place de Jeanne Moreau, donc ça m’a fait une deuxième année…
Isabelle de Botton et Michèle Bernier
Et puis les choses se sont enchaînées, il y a eu “Le Théâtre de Bouvard”, les filles (Michèle Bernier et Mimie Mathy)… Après Bouvard, chacun a pris son indépendance et je suis revenue vers du théâtre plus classique. J’ai eu la chance de jouer dans les premières “Brèves de Comptoir” mises en scène par Ribes. “Les Monologues du Vagin”, je l’ai joué avec plein plein de distributions différentes. C’était très chouette. Une carrière faite comme ça petit à petit gentiment avec des hauts et des bas. Mais, là, cette année, je suis très contente d’avoir ces 4 magnifiques projets.
Vous écrivez aussi. “La Parisienne d’Alexandrie”, c’est vous qui l’avez écrit et vous êtes scénariste.
Oui. J’ai écrit pas mal de scénario en collaboration presque toujours avec Sophie Deschamps. Que j’ai rencontrée d’ailleurs à l’époque chez Jean-Laurent Cochet, elle était comédienne aussi. On s’est mis à écrire ensemble et on adore faire ça. Du coup, on a une pièce dans notre tiroir… Même deux. J’ai fait aussi deux adaptations de pièces américaines. Corrine Touzet a pris les droits d’une d’entre elles et cherche à la monter, et puis une autre qui s’appelle “UL”, vient d’avoir l’aide à l’ADAMI, il y a 3 – 4 jours. On espère la monter pour 2020 peut-être si tout pouvait marcher, on ne sait pas. Ce sont des projets encore pas faits. Mais c’est le propre d’un projet.
Votre année en sera potentiellement d’autant plus riche !
Oui, on va essayer de faire avancer tous ces projets. Donc, on a parlé de “La Parisienne d’Alexandrie”, de “Clérambard”, de “Ca reste entre Nous”, qui a été jouée en tournée par Valérie Mairesse pour le rôle que je vais reprendre à Paris, parce qu’elle a d’autres choses à faire, à partir du 5 février. Je ne sais pas jusqu’à quand on va aller, on va essayer d’aller le plus loin possible. Puis, à partir de Juillet, je serai dans “La Famille Ortiz”. Je suis très fière d’être dans la prochaine création de Jean-Philippe Daguerre. J’ai adoré “Adieu Monsieur Haffmann” qui est vraiment un petit bijou de pièce, de construction dramatique. En fait, j’avais vu l’avant-première de Monsieur Haffmann, qui avait été en résidence au Théâtre du Silo à Montoire-sur le Loir presque par hasard, comme je connaissais le comédien Grégori Baquet. J’étais restée à la fin de la représentation et j’ai fait la connaissance de Jean-Philippe. C’est comme ça que les choses se sont faites.
“Clérambard” est arrivé après ?
Oui, quand j’ai vu “Adieu Monsieur Haffmann”, je lui ai dit tout le bien que je pensais de la pièce, des comédiens, de sa mise en scène et lui aussi m’a dit moi aussi je vous aime beaucoup, j’espère qu’un jour on pourra travailler ensemble… Deux mois plus tard, il m’a appelée pour me dire qu’il avait écrit une pièce en pensant à un des rôles pour moi, c’était “La Famille Ortiz”. Est-ce que je voulais bien le lire, évidemment oui, je l’ai lue et j’ai dit oui. Après, il a retravaillé la pièce, ça a pris un peu de temps pour que ça se monte et puis un jour entre temps, il appelle, je pensais qu’il allait me reparler de “La Famille Ortiz”, et il m’a dit en fait, “Clérambard” se joue là, j’ai une défection, il me faut quelqu’un dans 9 jours, on doit la jouer. Les autres l’avaient déjà joué 3-4 fois je crois… Est-ce que tu pourrais me dépanner ? Je dis : “il faut que je réfléchisse”, il me dit tu n’as pas le temps de réfléchir, tu dis oui ou non. Et j’ai dit Oui. C’est quand même incroyable, parce que c’est ce rôle-là qui m’a rapporté d’être nommée aux Molières !
Oui, c’est chouette. Bravo !
Je ne l’ai pas eu, le Molière, soyons clairs. Mais c’est drôle que ce soit ce rôle-là. J’ai l’impression d’être entrée un peu par effraction dans ce projet… Mais je l’assume avec grand plaisir et j’ai de la chance.
Et le clin d’oeil, c’est que Flore, qui vous accueille à Nantes, a été nominée aux Molières elle aussi, pour Clérambard aussi…
Voilà. On a eu 3 nominations : Antoine Guiraud qui lui aussi sera dans “La Famille Ortiz”, Flore qui programme “La Parisienne d’Alexandrie” à Nantes et moi. Flore a vu la pièce au mois d’octobre au Théâtre de la Huchette, elle a aimé au point de me proposer de venir le jouer dans son théâtre. Voilà, les choses s’enchaînent, comme une mayonnaise qui prend, c’est rigolo. Ca fait longtemps que je bosse, mais cette année tout d’un coup, il y a de la chantilly en plus…
Vous êtes entourée de très belles personnes.
Oui, je touche du bois pour que ça dure…
Un petit mot de conclusion sur le théâtre en France aujourd’hui ? Comment on en fait, est-ce que c’est facile…?
Non, ça n’est pas facile. Vraiment. Non. Je n’ai pas à me plaindre, parce que je suis en train de vos dire que tout va bien, donc ça serait mal venu de ma part, de me plaindre mais je sais que ça n’est pas facile. Je le vois pour plein de gens formidables autour de moi qui rament. Non, les conditions ne sont vraiment pas simples et je vois des gens qui mettent toute leur énergie à monter des projets, comme par exemple Flore qui construit un théâtre, c’est une énergie folle! Il ne s’agit plus simplement d’être un bon comédien, de savoir interpréter un texte, ce qui est en général notre passion à nous, les comédiens: apprendre un texte et qu’il paraisse inventé sur le moment, fluide, qu’il soit habité par ce qu’on est par notre personnalité, notre imagination, notre chair, notre fantaisie… Mais il y a en plus tout ce qui est derrière que les gens ne voient pas et c’est normal, on ne va pas leur imposer ça. Monter un spectacle, trouver des financements, des salles… Non, ça n’est pas simple. Vraiment pas. Il y a très peu quand même de gens qui profitent du subventionné. La majorité des comédiens, monte tout, trouve des textes, les écrit, ça les force à être encore autre chose, producteur, agent… Découvreur de textes. On n’est pas là, juste à côté de notre téléphone. Non, ça c’est juste pour faire joli dans les films. Sinon, c’est beaucoup moins magique. Mais bon, le plaisir de jouer est tellement énorme qu’on est prêts à passer par plein, plein de choses. On a cette chance de faire des métiers qui sont des passions et de pouvoir partager des émotions avec le public, c’est ce qu’on veut.
Bravo Isabelle et Merci. Je le redis au passage, la lecture de “La Famille Ortiz” était très, très émouvante et j’ai hâte de voir le projet fini. Vraiment.
Il n’y a plus qu’à transformer l’essai.
Propos recueillis par #PG9
« La Famille Ortiz ». Lecture du Lundi 10/12/2018 au Théâtre Rive Gauche, Paris